Cass, Soc., 16 octobre 2019, n°18-16.539 FS-PBRI
Par un arrêt important du 16 octobre 2019, la Chambre sociale de la Cour de cassation rend nécessaire, pour chaque entreprise appliquant à certains de ses salariés un forfait annuel en jours, de vérifier la date de conclusion de l’accord collectif de révision applicable à l’entreprise.
En effet, la Cour de cassation vient de préciser, dans cet arrêt à la portée pratique considérable, que si l’avenant de révision destiné à mettre en conformité les dispositions conventionnelles sur le forfait jours avec les exigences jurisprudentielles relatives au suivi de l’amplitude et de la charge de travail a été conclu avant la publication de la loi Travail du 8 août 2016, alors il ne s’est pas appliqué automatiquement aux conventions individuelles en cours d’exécution.
Cela signifie qu’il était dans ce cas nécessaire de s’assurer de l’accord du salarié par la conclusion d’une nouvelle convention individuelle de forfait, postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord de révision.
Pour rappel, la loi Travail du 8 août 2016 n° 2016-1088 a pourtant prévu la possibilité de réviser les accords collectifs relatifs au forfait jours pour les mettre en conformité avec les exigences jurisprudentielles, sans que l’employeur n’ait à requérir l’accord des salariés concernés pour poursuivre l’exécution des conventions individuelles en cours.
Ainsi, on pouvait en conclure que dès lors que l’entreprise appliquait un accord collectif de révision relatif au forfait jours conforme aux exigences jurisprudentielles, il n’était pas nécessaire de soumettre une nouvelle convention individuelle de forfait jours au salarié qui avait déjà conclu une telle convention avant l’entrée en vigueur de l’accord collectif de révision.
La Cour de cassation vient de préciser que ce principe ne vaut que pour les accords de révision conclus postérieurement à la publication de la loi Travail.
Ainsi, si l’accord collectif de révision (accord d’entreprise ou accord de branche) applicable dans l’entreprise a été conclu antérieurement à la loi Travail, l’opposabilité du forfait jours au salarié n’est acquise que si ce dernier a conclu une nouvelle convention individuelle de forfait jours avec son employeur à la suite l’entrée en vigueur de l’accord collectif de révision.
L’arrêt en question concernait l’application de l’avenant de révision de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 16 décembre 2014 étendu le 1er avril 2016. L’employeur soutenait que l’application de cet avenant de révision avait permis de sécuriser automatiquement les conventions individuelles de forfait en cours d’exécution.
La Cour de cassation retient au contraire que compte tenu du fait que l’accord de révision avait été conclu antérieurement à la publication de la loi Travail, il appartenait à l’employeur de conclure une nouvelle convention individuelle de forfait avec le salarié après l’entrée en vigueur de l’avenant de révision, sans quoi le forfait-jours ne pouvait lui être opposable.
L’employeur ne l’ayant pas fait, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel de Paris qui a constaté une atteinte aux droits du salarié concernant notamment l’organisation de son temps travail et son temps de repos, constituant un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Ainsi, outre les répercussions relatives à la revendication des heures supplémentaires, la Cour de cassation estime que l’absence de convention individuelle de forfait postérieure à la conclusion de l’avenant de révision constitue un manquement de l’employeur suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.
En conséquence de cet arrêt, il ne peut être que recommandé aux entreprises de vérifier la date de conclusion de l’avenant de révision relatif aux forfaits jours qui leur est applicable afin d’identifier, dans le cas où l’avenant a été conclu antérieurement à la publication de loi Travail, les éventuelles situations individuelles dans lesquelles le forfait jours est inopposable aux salariés faute de conclusion d’une nouvelle convention individuelle de forfait jours.
Si le cas se présente, il est vivement conseillé aux entreprises de conclure une nouvelle convention individuelle de forfait avec les salariés concernés, pour sécuriser la situation, à tout le moins pour l’avenir.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1452_16_43763.html
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_43644.html