Lorsque des dispositions conventionnelles conditionnent le prononcé d’un licenciement à l’existence de sanctions antérieures, un entretien doit être organisé préalablement à toute sanction disciplinaire, y compris un avertissement. C’est ce que rappelle la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 septembre 2021 au sujet des dispositions de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, dite CCN 66.
Quels sont les principes applicables à la notification d’un avertissement ?
La notification d’un avertissement n’impose pas l’organisation d’un entretien préalable, sauf lorsque cette sanction a une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
C’est en effet la règle posée par l’article L. 1332-2 du Code du travail : “Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.”
Le Code du travail pose donc :
- Un principe : il n’est pas obligatoire d’organiser un entretien avant de notifier un avertissement ou une sanction de même nature.
- Une exception : un entretien est requis, même en présence d’un avertissement, lorsque la sanction a une incidence, immédiate ou non, notamment sur la présence du salarié dans l’entreprise.
Que précise la Cour de cassation ?
Par son arrêt du 22 septembre dernier, la Cour de cassation impose l’organisation d’un entretien préalable à toute observation ou à tout avertissement aux employeurs qui appliquent la convention collective du 15 mars 1966.
Selon l’article 33 de la CCN 66, “sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins deux sanctions.”
Ainsi, en application de ces dispositions conventionnelles, les sanctions disciplinaires, dont l’avertissement, sont des préalables nécessaires à la notification d’un licenciement, sauf faute grave. La Cour de cassation considère donc que la notification de ces sanctions est susceptible d’avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise.
Par conséquent, un entretien préalable doit être organisé avant leur notification.
La Haute Cour avait déjà adopté un tel raisonnement en application des dispositions de la convention collective des acteurs du lien social (Cass. soc., 13 février 2013, n°11-27.615) ou d’un règlement intérieur (Cass. soc., 3 mai 2011, n°10-14.104) qui conditionnaient également le prononcé d’un licenciement à la notification de deux sanctions préalables.
Quelles conclusions en tirer en pratique ?
Les employeurs soumis à la convention collective du 15 mars 1966, ou à toute autre convention, accord collectif ou règlement intérieur subordonnant le licenciement à l’existence de sanctions disciplinaires antérieures doivent organiser un entretien préalable avant de notifier une sanction, quelle que soit sa nature.
L’absence d’organisation d’un entretien préalable génère un risque important pour les entreprises concernées. Au-delà des condamnations à dommages et intérêts, l’annulation d’un avertissement ou d’une observation peut remettre en cause le bienfondé d’un licenciement, lequel, sauf faute grave, reste conditionné à la notification de deux sanctions antérieures.
Cela étant, dans l’arrêt du 22 septembre 2021, la Cour de cassation rappelle qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier si les sanctions irrégulières doivent être annulées. Dans l’absolu, les juges du fond pourraient donc décider, même en présence d’une procédure irrégulière, de ne pas prononcer d’annulation.
Il faut néanmoins conseiller aux employeurs concernés de ne pas compter sur la mansuétude des juges et d’organiser systématiquement des entretiens préalables avant toute sanction.
Notre conseil aux employeurs
Si vous appliquez la CCN 66, intégrez l’organisation d’un entretien préalable dans vos process avant toute notification d’une sanction disciplinaire, y compris l’observation et l’avertissement.
Pour les autres employeurs, vérifiez si votre entreprise est soumise à des dispositions conventionnelles ou des dispositions du règlement intérieur qui conditionnent le bienfondé du licenciement à la notification de sanctions disciplinaires antérieures. Le cas échéant, pensez systématiquement à organiser un entretien préalable avant la notification d’un avertissement.
Marie Venosino, Avocate associée
Florian Clouzeau, Avocat
Liens : arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021 (n°18-22.204)